La renaissance des vignes sous le Château de Menthon-Saint-Bernard
C’est un chantier colossal qui a débuté en 2018…
Le terrain sous le château n’ayant pas été travaillé pour la vigne depuis des décennies; De nombreuses étapes ont été nécessaires à la renaissance de celle-ci.
Le Château de Menthon-Saint-Bernard a été construit au Xème siècle. D’origine celtique, le nom de Menthon signifie « maison sur le rocher »; sa position stratégique en a fait une véritable maison forte, dès l’ère médiévale. En effet, le château était un poste de garde qui, à partir du XIIème siècle, a laissé place à un château féodal ; à l’origine constitué de trois grosses tours carrées reliées par des chemins de ronde où patrouillaient des gens d’armes.
Classé monument historique, il est l’un des rares châteaux français à appartenir à la même famille depuis 23 générations connues.

Le vignoble Menthonais
Le vignoble au pied du château peut surprendre aujourd’hui, il s’inscrit pourtant dans un paysage ancestral.
L’éperon rocheux calcaire de Menthon orienté au midi couchant, offre un terroir particulièrement favorable à la culture vinicole. Si le vignoble de Menthon est déjà attesté au XIIIe siècle au pied du château, René de Menthon va en faire une activité à part entière en y rajoutant un peu de fantaisie.
L’arrivée du phylloxera en Savoie dès 1877, va engendrer un bouleversement de cette culture. Les pieds malades ont été arrachés et brûlés. Là encore, René de Menthon va entreprendre un chantier dans sa globalité. Il abandonnera les anciennes vignes plantées en désordre (dites en foule), au profit d’une plantation dite en terrasses, avec des contreforts.
Il fera construire dès 1905 une dépendance sur la base d’un ancien corps de bâtiment d’un chai, complété par un logement pour le vigneron. La culture de la vigne perdure quelque temps pour ensuite s’achever petit à petit jusqu’à disparaître complètement dans les années 1930.
Afin de redonner du sens au paysage en respectant une activité et un savoir-faire maîtrisés, la famille de Menthon a créé, en 2017, l’association « Le clos du château », permettant la réimplantation de la vigne au pied du château par le procédé de la biodynamie.
Au-delà de la réapparition des vignes, il s’agit également de mettre à disposition du public et en particulier des écoliers, un appareil pédagogique mettant en lumière l’histoire rurale de notre région.
Au fil des siècles, cette forteresse du Moyen-Age a été transformée en une riche demeure de seigneurs, embellie et aménagée selon les goûts de chacun et les modes architecturales.
Dès le XIIIème siècle, les coteaux du château arborent des vignes qui en font un réel domaine viticole. Les anciens murets de pierre encore visibles aujourd’hui attestent du passé du vignoble aménagé en terrasses.
La culture de la vigne au pied du château fait donc partie intégrante de l’histoire de ce dernier.
Ce sont le phylloxéra, puis la guerre mais aussi l’exode rural qui la feront disparaître un peu avant la Seconde Guerre Mondiale, dans les années 1930.
Historique de l’Association
L’association nait de la rencontre du cheminement de 2 idées.
- A Ramponnet la nostalgie des vignes est toujours présente ; certains habitants, Bernard Lachenal, André Marinoni et d’autres pensent qu’un retour de la vigne est possible. La présence fréquente de Florent Héritier, vigneron-paysan à Frangy, et gendre d’André, renforce cette idée.
- Au château, Maurice et Pierre Henri de Menthon sont à la recherche de nouvelles activités, pour redynamiser le domaine. Au cours d’une conversation, Humbert de Rivaz, architecte des bâtiments de France à Annecy, les incite à rencontrer Renaud Veyret. Ce dernier, s’appuyant sur la récente initiative des « Vignes du Lac » à Veyrier du Lac, propose à Maurice et Pierre Henri de se pencher sur une formule associative.
En avril 2017, les 2 chemins se rejoignent.
Un noyau dur est constitué, avec Maurice et Pierre Henri, Bernard, André et Renaud. Très vite Julien Le Boul’ch les rejoint, et grâce à ses compétences l’association prend forme. Chacun des 6 membres fondateurs amène 3 partenaires ; la liste de 24 membres est ainsi bouclée.
Le but de l’association : réimplanter de la vigne au pied du château en aidant Florent, naturellement choisi pour son savoir-faire, aussi bien financièrement que sur le terrain par des actions ponctuelles.
Objectif 2018 : planter 1.2 ha ; puis 0.8 ha l’année suivante.
Quelques dates, en 2017 :
MAI
Dépôt de la demande de Florent, d’autorisation de plantation, auprès de France Agrimer.
AOÛT
Réponse positive. Les statuts sont élaborés. Le nom de l’association est choisi : Clos du Château, en référence aux dernières étiquettes connues.
SEPTEMBRE
Dépôt de l’association en préfecture. Maurice en est le président.
1ère rencontre, à l’initiative de Bernard Lachenal, avec l’école de viticulture de Changins en Suisse.
OCTOBRE
7 Octobre : 1ère journée d’intervention sur le terrain, 40 personnes à pied d’œuvre pour défricher, dégager les accès, abattre les arbustes, et supprimer toute végétation invasive.
NOVEMBRE
Novembre : Suite du défrichage, dégagement des murs des terrasses, brûlage des déchets verts.
2 semaines d’intervention sur le terrain par l’entreprise ERM ; broyage et griffage du terrain.
DECEMBRE
1ère AG / Ouverture des inscriptions en tant qu’ami de Clos du Château.
Quelques dates, en 2018 :
JANVIER
Choix et commande des plants : altesse, mondeuse, jacquère.
Détermination des sens pour la plantation (en suivant les courbes de terrain).
Mode de plantation : sur fil et sur échalas, suivant les endroits.
MARS
Intervention de la traction animale pour hersage du terrain.
AVRIL / MAI
Pose de drains.
Intervention d’un engin pour formation de terrasses parallèles aux murs existants.
Pose de « paillage » de protection pour les futurs pieds de vigne
Semences pour en herbage.
Dépôt de la demande de Florent, d’autorisation de plantation, 2ème tranche, auprès de France Agrimer.
JUIN
Plantation de 6000 pieds, piquetage. Première récolte prévue : au mieux à l’automne 2021
Historique des vignes à Menthon
En 1730, la mappe Sarde montre qu’une grande partie de la surface de la commune de Menthon Saint Bernard est plantée de vignes.
La plus grande parcelle exploitée (n°1525) se trouvait au pied du château sur 9.43 ha. A l’endroit même où l’association va replanter. Cette parcelle avait pour nom « Mas les Voutes », et produisait en 1730, 19 barils par journal et par an. (Si l’on se fie à la brochure réalisée en 1989 par Albert Dhelens, géomètre expert, « Les anciens poids et mesures de Haute Savoie »).
Le système métrique décimal a été adopté, en Savoie, par l’Edit Royal du 11 septembre 1845, de Charles Albert Roi de Piémont Sardaigne.
Avant cette date, et pour le mandement de Faverges :
- le baril du équivalait à 35 « pots » d’Albertville. Soit 64.575 litres
- le journal représentait 2948.3816 m². Ce qui, pour la parcelle 1525 donne 31.98 journaux
On peut donc en déduire que la production de la parcelle était, bon an, mal an de 2 065 litres. Un rendement très faible donc.
Fin 19ème, et début 20ème, les vagues de phylloxera déciment les vignes.
La production sur la commune de Menthon Saint Bernard chute très brutalement :
- 1908 : 2 965 hectolitres
- 1909 : 853 hectolitres
- 1910 : 41 hectolitres
(Histoire de Menthon Saint Bernard / Claude Bortoli)
Toutefois la culture de la vigne perdure sur le domaine (photos des vendanges de 1929). Le Comte, cigare en main, visite les vignes en compagnie du vigneron.
Petit à petit, même si certaines parcelles produisent toujours, la vigne disparait. Olivier de Menthon n’aura pas pu réaliser son rêve ; revoir de la vigne sur le domaine.